Tuesday, May 1, 2007

Voici (!) Les Pères Censeurs

Published in l’Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)

Question de base: la fin justifie –t-elle les moyens? Evidemment que non, surtout si c'est L'Eglise qui est le décideur. La mission de l'Eglise est, entre autres, de témoigner de la vérité, d'agir en gardienne des valeurs chrétiennes…etc. Ainsi soit-il! Mais est ce que pour faire promouvoir une de ces valeurs (la moralité), on peut mettre en péril une autre, (la liberté d'expression), toute aussi basique et inhérente à la religion chrétienne? Tout en admettant que la photo publiée par "Voici" soit déplacée, il est surprenant que la demande des organes médiatiques dirigés par l'Eglise catholique au Liban ne soit pas moins que "l'interdiction pure et simple" d'une publication, en tous cas peu populaire au Liban. Et même si l'on interdit "Voici" du Liban, que ferait-on de l'accès aux informations, de nos temps illimité du fait des nouvelles technologies? Au delà l'absurdité de la demande elle-même, l'identité des initiateurs de ce mouvement "en faveur de la censure" est aussi choquante que leurs propos. La plupart sont des ténors de l'information religieuse et ils ont à plusieurs reprises défendu le droit à la libre expression; quand les circonstances politiques faisaient de ce droit élémentaire une cible privilégiée des organes de sécurité, ces mêmes organes qu'ils appellent aujourd'hui à interdire une publication. N'ont-ils pas pu se contenter d'organiser des mouvements "civilisés" de protestation, en ligne avec les valeurs chrétiennes, sans pour autant tomber dans les piège de la censure? L'Eglise est appelée aujourd'hui à affirmer son adhésion aux valeurs chrétiennes de liberté, à dénoncer avec vigueur toute tentative à faire de la censure une demande chrétienne, à jouer son rôle de gardienne des valeurs sans couvrir les obscurantistes; bref à corriger un pêché commis par action sous peine de pêcher par omission. _____________________________________________________

L’injustice d’une justice sélective

Published in l’Orient le Jour (French language  daily newspaper in Lebanon)

Il semble que la débâcle politique auquel nous ont mené nos politiciens-de tous bords- ne suffit pas. Certains d’entre eux ont fait récemment une « entrée en force » dans le domaine des droits de l’Homme, une entrée tant souhaitée avant 2005 mais qui commence à susciter quelques regrets tant la performance de ces politiciens, même dans ce domaine humanitaire par excellence, laisse à désirer. Durant les semaines écoulées, il y a eu deux incidents majeurs qui contribuent à ce sentiment. La première concerne la politico-médiatisation puis la gestion de l’affaire de la fosse commune de Halate. L’autre exemple n’est autre que les récentes poursuites judiciaires contre quelques anciens responsables des Forces Libanaises pour des actions commises durant la guerre. Même si l’objectif annoncé de telles initiatives est de dévoiler la vérité sur ce qui s’est passé durant la guerre, il n’en reste pas moins que le plus grand travail de sape que quelqu’un pourrait entamer contre le processus – nécessaire et indispensable – de la vérité et de la réconciliation consiste en une manipulation politique (dont la sélectivité) à outrance et/ou en une mauvaise gestion. Une instauration inconsistante de la justice mènera à rien moins que de nouvelles injustices et préparera le terrain à une nouvelle guerre. Si l’objectif ultime de tout processus de « vérité et de réconciliation » est de dévoiler les vérités sur des atrocités commises durant un conflit déterminé et de restaurer la dignité des victimes et/ou de leurs familles, les résultats de tels processus sont considérés comme la base de la réconciliation et de la stabilité, la pierre angulaire de la « construction de paix » dont témoignent les pays après la fin des hostilités. Ces commissions sont des agents d’une transformation sociale en préparation, avec d’autres facteurs bien sur, à la stabilité souhaitée. Il est de notoriété publique que tous les partis libanais et non libanais, ainsi que les forces armées libanaises et non libanaises ayant pris part à la guerre ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des violations importantes des droits de l’Homme. Mais de la à entamer des procédures judiciaires contre un seul de ces partis, c’est encourager ouvertement à un avortement de ce processus à ses débuts. Dans les autres pays, lors de l’établissement des commissions « vérité et réconciliation », il est clairement défini dans leurs mandats que les enquêtes doivent porter en même temps sur les violations commises par tous les groupes paramilitaires (milices) ainsi que sur les violations commises par les forces armées régulières et les forces pro-gouvernementales. L’objectif n’est surement pas vindicatif mais uniquement pour s’assurer que tous les protagonistes sont soumis aux dispositions de la commission et que la justice ne sera pas appliquée sélectivement. Autre précision importante : les mandats des dites commissions doivent, selon les pratiques au niveau international, couvrir aussi les violations graves des droits de l’Homme au même titre que les crimes de guerre. Dans le cas libanais, il est indispensable de :

1) lancer un tel processus dans le cadre d’un partenariat entre le parlement, la justice, la société civile ainsi que les organisations internationales spécialisées.
2) Mener ce processus depuis le début jusqu'à sa fin, selon les normes internationales et loin des manipulations politiques et médiatiques
3) Faire en sorte que ce processus englobe les crimes et guerre ainsi que les violations des droits de l’Homme et qu’il soit appliqué à tous les protagonistes sans aucune exception

Ces trois conditions nécessitent des contextes politique, social, sécuritaire et judiciaire stables et favorables. A évaluer les données d’aujourd’hui, il est clair qu’il faut encore quelque temps avant de réunir les facteurs nécessaires au lancement de ce processus. Entretemps, politiciens s’abstenir ! Ne créez pas de nouvelles injustices en prétendant instaurer la justice.