Thursday, December 10, 1998

Le desastre des camps palestiniens au Liban

Published in "Arc en Ciel" (Magazine of the international NGO “Nouveaux droits de l’Homme”; Paris- France)






Loin de toute surenchère politique, NDH-Liban s’est engagée, en partenariat avec le Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire-Liban, à mettre en évidence la situation intolérable des réfugiés palestiniens au Liban.

Quelles que soient les orientations politiques de l’OLP ou celles de ses détracteurs, et bien que les séquelles du conflit libano-palestinien ne sont pas cicatrisées encore, une chose est ultime et sure: Il n’est pas permis que des êtres humains soient délaissés de la sorte. Et venir en aide aux réfugiés palestiniens ne doit en aucun cas être considéré comme une action d’aumône ou un acte de bienfaisance. C’est l’exercice complet de tous leurs droits inhérents à eux en tant qu’êtres humains et qui ne leur sont pas assurés que nous réclamons. Et leur situation actuelle est une violation grave des droits de l’homme.

Récemment, et à l’aube d’un règlement probable du conflit israélo-arabe, le dossier des réfugiés palestiniens est revenu à l’arène des débats. Au Liban, les autorités libanaises, leurs protecteurs régionaux, ainsi que plusieurs pôles politiques insinuent, de par leurs déclarations, à une politique de discrimination envers les réfugiés qui ne bénéficient même pas du strict minimum acceptable pour tout être humain : Et l’idiot argument avancé depuis 1948: Il ne faut pas qu’ils s’installent au Liban. Peut-on, même au nom du refus de l’implantation , détourner les droits les plus élémentaires de toute une communauté (360.000 selon l’UNRWA) ?

En attendant de voir l’issue terminale des fameux pourparlers de paix, la Convention des Nations Unies (1951) sur les réfugiés doit être appliquée aux palestiniens. Il n’est plus question de les laisser sévir en attendant la poignée de main Assad-Barak qui pourrait ne jamais avoir lieu.

Enfin, toute solution finale doit prendre en considération les critères suivants:
1)    Le droit inaliénable de leur retour en Palestine
2)    La capacité d’accueil des pays hôtes
3)    Les liens sociaux et culturels que quelques familles auraient pu tisser tout le long de leur séjour .

On ne saurait déporter ou déraciner en masse des êtres humains après 50 ans d’existence, sous le couvert  du règlement du problème des palestiniens, qui eux, doivent prendre le taureau par les cornes et mobiliser les instances internationales au lieu de se tourner vers la mendicité. C’est de leurs droits acquis qu’on parle et non d’un cadeau qu’ils sont entrain de solliciter auprès des autres pays.

Friday, May 1, 1998

La peine capitale theatrale

Published in "Arc en Ciel" (Magazine of the international NGO “Nouveaux droits de l’Homme”; Paris- France)




Nous avons beau clamer l’adhésion du Liban  à la Déclaration Universelle des droits de  l’Homme et sa signature en  1976 du Pacte international relatif aux droits civils  et
politiques, l’attitude des autorités vis à vis du respect de ces chartes  demeure laconiquement inchangée: une irresponsabilité pertinente baignant dans  un cynisme presque  sadique digne des régimes les plus répressifs.

Le dernier coup relevé et médiatisé est  celui du “lynchage” de Tabarga. Pour être bien clair, je n’ai nullement l’intention de défendre ces inculpés ou justifier leurs vols ou leurs meurtres..  Mais par quel raisonnement  logique peut-on  accepter aujourd’hui  encore qu’un tel sort soit infligé à des personnes humaines, quand les chartes précitées ont si triomphalement été signées et ratifiées?

Avant d’en venir au  commentaire de  ce double crime, je me trouve dans l’obligation  de m’arrêter devant les détails du déroulement:

1)      Les deux inculpés prennent connaissance , par l’intermédiaire d’un prisonnier, que la sentence va être exécutée le lendemain, alors que qu’ils ne devaient l’apprendre  que par voie officielle, et pas à l’avance
2)  Une campagne médiatique précède le triste événement pour susciter la curiosité du public
et assurer par conséquent  la  présence de “spectateurs” (munis de calicots), ne rendant à                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      la mort aucun des égards qui lui sont dus.
3)   Les deux “victimes” sont menées vers la potence  les yeux grands ouverts, et au vu de                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             toute   l’assistance
4)   Lorsque l’un deux n’expire pas au moment même,  le bourreau s’avance et le
      tire vers le bas. Même B.B. s’en serait révoltée.
5)      Les deux “pendus” sont laissés en spectacle jusqu’aux premières heures du jour en guise de “leçon”  à tout criminel potentiel..

Toutes les juridictions mises en pratique par les différentes civilisations humaines, tout au long de leur histoire, consacrent le droit à la vie, et plus précisément  la Déclaration Universelle  des droits de l’homme dans son article 3. Le criminel ou le condamné, étant d’abord  un être humain , jouit d’une dignité  inhérente à son origine humaine. Quelle que soit   la peine qu’il doit exécuter, sa dignité “d’être Humain” doit toujours prévaloir.Par ailleurs, même si le pacte international relatif aux droits civils et politiques
n’oblige pas les Etats signataires à supprimer la peine de mort, il les limite néanmoins aux crimes “les plus graves”  en vue d’une abolition complète (article 6 paragraphe 6). Il est bien clair que les directives du pacte ne donnent aucunement le droit à infliger la peine de mort, mais considèrent bien que cette phase n’est que transitoire.Le deuxième argument relevé d’habitude par les défenseurs  de la peine de mort, est bien entendu l’effet dissuasif  ou  plus simplement l’exemple donné aux autres. En prenant comme point de départ le concept général  de toute peine , il est réfléchi dans un esprit  réformateur, correctionnel et non dans l’esprit  répressif  de la  vengeance.  Dans ce cadre, j’aimerai me référer à  une étude effectuée aux Etats-Unis  depuis quelques années et qui montre, que dans un même pays, au sein d’une  même société partageant  la même échelle de valeurs, le taux de criminalité dans un Etat qui n’a pas aboli la peine de mort est légèrement plus haut que dans un autre ou sévit encore la peine capitale. L’effet dissuasif avancé par certains est désormais fortement ébranlé.

Nombreux sont les exemples  qui montrent que la répression n’a  jamais été l’instrument de la  dissuasion., au contraire ne sont-ils qu’une preuve supplémentaire d’un pouvoir coercitif qu’aucune législation démocratique ne peut légitimer. Dans l’affaire évoquée plus haut et dans beaucoup d’autres aussi, l’exemple social aurait bien été donné par l’attitude positive correctionnelle des autorités que par l’action répressive à laquelle elles se sont laissées aller.Dans cette application de la  peine capitale, si loin de notre humanité,  l’Etat intériorise dans l’inconscient collectif une valeur selon laquelle tuer est accepté pour certains  motifs “valables”. Le mot “valable” peut par conséquent revêtir différentes interprétations dans le lexique particulier d’un citoyen ordinaire: alors, nourrir ses  enfants devient  un motif “valable” pour tuer  et ainsi de suite. Pour parler  des conséquences fâcheuses que peut avoir sur la société une  exécution  publique  il suffit de se rappeler les deux incidents survenus dans la Békaa, au village même dont sont originaires les deux condamnés.

Pour clore enfin cette page peu édifiante pour notre société, il nous reste à demander aux autorités libanaises de signer dès à présent, le deuxième protocole optionnel ( du pacte international relatif aux droits civils et politiques) et de supprimer dans ce même élan la peine de mort.En attendant, la suspension des exécutions est fortement recommandée. Il est désormais urgent  d’avoir  pitié de l’opinion publique.  Les spectacles choquants du conflit armé hantent toujours les libanais qui n’ont nullement  besoin de ces coups de théâtre, même si un quelconque haut responsable veut prouver qu’il a encore quelques partisans, quelque part au Liban.

Saturday, January 10, 1998

A propos de democratie et de libertes

Published by L'Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)


Il est bien clair que la démocratie au Liban souffre de problèmes périlleux et que les libertés individuelles et collectives passent par des étapes cruciales. Sept ans après l’arrêt des combats au Liban, très peu de choses ont évolué. Par contre, on a pu assister à une dégression généralisée. Loin de traiter des sujets propres à la politique politicienne, cet article évoquera uniquement les préoccupations des associations et des militants des droits de l’Homme, qui, dans la plupart des cas, se voient dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit, si ce n’est qu’informer l’opinion publique libanaise et internationale de ces violations. Les autorités au Liban violent systématiquement la déclaration  Universelle des droits de l’Homme ainsi que les protocoles, accords ou conventions qui en découlent. C’est un phénomène malheureusement propre aux régimes totalitaires et antidémocratiques. Et c’est cette transformation structurelle au niveau de la société civile qui nous  inquiète tant.S’il est vrai que le Liban n’a jamais pu atteindre le respect total des droits de l’Homme, il est aussi vrai que la société libanaise n’a jamais été menacée  dans ce qu’elle a de plus cher: La liberté. Depuis 1990, nous assistons à une dégradation alarmante, aggravée par l’absence de toute intention gouvernementale de rectifier ce cours dégressif. Le statu quo imposé par la communauté internationale ne sera pas en danger si la situation des droits de l’Homme s’améliore au Liban. Ce prétexte, utilisé  à tort et à travers par les ténors loyalistes me rappelle surtout l’exemple de l’élève paresseux qui, pour justifier ses échecs, accuse ses instituteurs et son école de tous les maux possibles.

Récemment, j’ai eu l’honneur d’assister à la réunion du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies à New York. Une vingtaine d’experts indépendants  ont pu dresser un bilan inquiétant des droits de l’Homme au Liban: La liberté de presse et d’expression, la liberté d’association et de réunion pacifique, l’indépendance du pouvoir judiciaire et bien d’autres droits bafoués et ignorés par le pouvoir en place. Jamais la liberté de presse n’a vu de jours aussi noirs au Liban: Les interventions directes et indirectes, la censure (pourtant interdite par le Conseil d’Etat), l’autocensure (qui est beaucoup plus dangereuse) deviennent de   plus en plus monnaie courante au Liban. Même du temps des milices, on pouvait respirer un peu plus d’air libre. Malgré que l’interdiction de manifester soit une atteinte grave à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, de plus son application reste arbitraire. Dernier exemple: le Ministre de l’intérieur appelle ses électeurs (?) à manifester. Faut-il se demander qui a interdit les manifestations et contre qui est organisée cette manifestation?  Ne parlons pas non plus  des mesures prises à l’encontre des associations déjà existantes ou en voie de constitution. D’autre part, le pouvoir judiciaire est de plus en plus impliqué dans des affaires et/ou scandales politiques du gouvernement. Chose qui est tout à fait inconcevable dans un pays  démocratique. Les poursuites engagées à l’encontre de journalistes, d’avocats, de syndicalistes et d’autres citoyens (japonais parfois) constituent des preuves irréfutables de la partialité du pouvoir judiciaire, et du danger que constitue un tribunal militaire  ayant une juridiction sur les civils. Je passe outre tous les autres droits violés presque quotidiennement. Il serait presque  inhumain de terminer cet article sans évoquer la situation des prisons: le seul désastre reconnu par le gouvernement (heureusement). Mais, on ne saura jamais ce que fait ce dernier afin de mettre fin au calvaire vécu chaque jour par des milliers de citoyens, dont certains  seraient acquittés quand leur jugement adviendra. Le refus systématique des autorisations de visite requises par des associations et délégations internationales en dit long sur les intentions gouvernementales.

Pour conclure, il faut avouer que malgré les déclarations officielles alléchantes en matière de libertés et de démocraties, le tableau  demeure sombre et il reste beaucoup à  faire dans ce domaine au Liban. Le Comité des droits de l’Homme a soumis aux autorités libanaises des recommandations qui sont, incontestablement, le seul document de valeur élaboré  depuis plusieurs années. L’issue la plus efficace demeure évidemment l’application rigoureuse de ces recommandations et leur intégration dans la politique gouvernementale. D’ici là, nous dirons incessamment aux autorités que le Liban ne remplit  plus sa mission  d’oasis de libertés  dans son entourage à régimes autocratiques et que le pouvoir en place actuellement est très lointain d’une vraie démocratie.