Monday, November 1, 2010

Initier et gérer la coordination en situation d’urgence

Written for "Tawareks" (The Lebanese Journal for Emergency Medicine)

A-    Introduction




Lors d'une situation de crise - c'est-à-dire tout événement qui peut ou pourrait entraîner des dommages a la population (sécurité publique, vie et/ou santé des personnes, intérêts matériels…) - les différents acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux sont appelés à prendre des décisions rapidement, faire appel à certaines ressources et compter sur des gens qualifiés afin de ne pas sombrer dans le chaos. Tout cela doit se faire dans le cadre d'un plan d'urgence qui a pour mission principale de prévoir les dispositions et les mesures à prendre pour gérer une situation d'urgence.

Cependant, les autorités ainsi que les différents intervenants ne sont pas tenus de préparer des plans d'urgence seulement, mais aussi des plans de prévention et de réduction de risques, qui doivent inclure des mesures prises en amont afin de limiter les dégâts humains et matériels en cas de catastrophes, et d'améliorer les aptitudes des communautés à faire face à des situations d'urgence.

Dans ce cadre, l'élément de « coordination » joue un rôle prépondérant, voire essentiel dans la mise en œuvre du plan d'urgence, avant, durant et après la catastrophe. L'efficacité et la pertinence d'un tel plan dépendent d'une bonne coordination, qui idéalement, doit être initiée et gérée par les autorités locales.

Cette fonction est régie par des principes directeurs adoptés par l'Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution « A/RES/46/182 » (19-12-1991) dans lesquels il est clairement indiqué que «  l'aide humanitaire doit être fournie conformément aux principes d'humanité, de neutralité et d'impartialité ». Les mêmes principes stipulent que  « c'est à chaque Etat qu'il incombe au premier chef de prendre soin des victimes de catastrophes naturelles et autres situations d'urgence se produisant sur son territoire. Le premier rôle revient donc à l'Etat touché  dans l'initiative, l'organisation, la coordination et la mise en œuvre de l'aide humanitaire sur son territoire. »

Afin de lier les notions présentées dans cet article à un contexte réel,  une hypothèse bien définie fut choisie, en l'occurrence, l'hypothèse d'un tremblement de terre dans la région de Tyr, au Liban Sud.
                    
B-    Description du contexte général

C'est la théorie des plaques tectoniques qui explique pourquoi le Liban est affecté par des tremblements de terre. Le Liban est traversé par une bordure de deux plaques: la plaque arabique et la plaque du Levant. Cette bordure commence dans la mer Rouge, va vers la mer Morte, traverse le Liban où on l'appelle la "faille de Yammouné" et va en Syrie ou elle prend pour nom la "faille du Ghab", continue jusqu'au Sud de la Turquie où elle rencontre une autre faille: "la faille Est anatolienne". "Nous avons donc une bordure de deux plaques qui a, à peu près mille km. de longueur; le Liban est à cheval sur ces deux plaques. C'est la raison pour laquelle il est, périodiquement, affecté par des tremblements de terre, tout au long de son histoire et cela va continuer.

Si les failles qui traversent le pays sont nombreuses, les sismologues sont particulièrement inquiets au sujet du système de la Mer Morte, qui sépare les plaques géantes que sont l'Afrique et l'Asie. Il s'agit de la faille la plus profonde et la plus dangereuse du Moyen-Orient, qui part de l'Ethiopie, passe par le détroit d'Aqaba, pour remonter jusqu'au sud du Liban et la vallée de la Békaa. 

Le Sud du Liban est classé « zones 3 & 4 » sur une échelle indiquant la fréquence et la force des séismes prévus, ce qui signifie que les secousses pourraient atteindre une magnitude de 7,5 sur l'échelle de Richter. 
La réponse générale au risque de tremblements de terre dans le sud du Liban fut toujours lente et/ou dispersée.

C-    L'aspect social

Le bilan social immédiat des séismes dépend de la vulnérabilité des collectivités affectées. Si l'impact mortel initial du séisme dépend de facteurs tels que la concentration urbaine, la qualité parasismique des constructions…etc. toujours est-il que l'impact social dépend fortement du degré de la déstructuration des liens sociaux à cause du séisme. Les séismes aggravent les ruptures sociales et économiques et représentent une importante transformation du paysage social et des tissus de relations entre les gens, dont la réorganisation est fondée sur la capacité collective à créer des circuits d'entraide efficaces face aux ruptures. Un des facteurs aggravants à ce niveau est la désorganisation durable de certaines activités de la société qui s'accompagne en général d'un exode important de certaines catégories socioprofessionnelles désœuvrées.

Au delà de la satisfaction des besoins élémentaires qui représentent un enjeu vital pour des populations traumatisée, les interventions doivent prendre en compte aussi l'effort de reconnexion des réseaux sociaux.

Souvent plus long à mettre en œuvre, cet effort représente une opportunité parfois mal comprise par les populations en attente. Mais c'est cet effort qui permet d'éviter l'isolement et les fractures sociales et a pour objectif de rétablir le tissu sociétal et de conserver les proximités sociales

D-    Les acteurs dans la ou les région(s) sinistrée(s)

  • Le Mohafez
  • Les Caimacams des cazas affectés par la catastrophe
  • Les hôpitaux de la région
  • La défense civile
  • La Croix Rouge Libanaise
  • Le bureau régional du Ministère de la Santé
  • Le bureau régional du Ministère des Affaires Sociales
  • Le bureau régional du ministère des ressources hydrauliques / offices des eaux
  • Le bureau régional du ministère de l'Education
  • Le bureau régional de l'Electricité du Liban
  • Les ingénieurs régionaux du ministère des travaux publics
  • Les unités de police implantées dans les régions sinistrées ou dans leur entourage
  • Les unités de l'armée stationnées dans les régions sinistrées ou dans leur entourage
  • Les ONG locales et entités de la société civile opérationnelles dans les régions sinistrées
  • Les ONG internationales opérationnelles dans les régions sinistrées
  • Les entités humanitaires et sociales relevant des partis politiques présents dans les régions sinistrées
  • La FINUL (à cause de sa présence opérationnelle dans la région tout en sachant que son mandat initial est différent)

E-    La coordination

Dans le contexte décrit plus haut, les intervenants sont appelés à initier l'établissement d'une structure de coordination mixte (acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux) dans la région sinistrée, à faciliter les réunions et le travail de cette structure et de s'assurer que la coordination entre les différentes composantes demeure régulière et efficace.

Idéalement, le travail de cette structure ne doit pas se limiter à la réponse ponctuelle après la catastrophe, mais doit plutôt prévoir des mesures et un plan d'intervention avant, durant[1] et après le sinistre.

C'est donc une structure de coordination mixte (qui sera appelée dans le texte « Comité de Coordination pour les Situations d'Urgence » ou CCSU) qui est proposée dans ce cadre dont les objectifs, le plan d'action et autres éléments sont décrits ci-dessous.

F-     Eléments fondateurs

Même si le travail du CCSU est éminemment technique, cela ne dispense pas l'intervenant principal de définir et de faire adopter par les membres la base conceptuelle d'une telle initiative.

Dans ce cadre, il est important tout d'abord d'amener les membres à réfléchir et à endosser un système valoriel qui doit sous-tendre le travail du CCSU. En voici quelques valeurs de base :

·         Le respect des droits de l'Homme (cela est d'autant pertinent que durant les situations d'urgence, les acteurs gouvernementaux ou autres forces de facto ont tendance à négliger ou oublier cet aspect)
·         La non-discrimination entre les différentes composantes des communautés affectées par la catastrophe
·         L'adoption des normes internationales applicables (SPHERE…etc.)
·         Transparence et dissémination régulière d'informations précises et objectives 
·         Encourager la participation des communautés affectées dans la planification, l'exécution et l'évaluation des mesures de prévention et de réponse

Partant de cette base, l'objectif global du CCSU est de limiter, à travers un « plan de coordination en situation d'urgence » (PCSU), les dégâts humains et matériels tout en maintenant l'ordre et la sécurité publics.

Les objectifs spécifiques sont définis comme suit :

·         Etablir une dynamique de coordination entre tous les acteurs concernés par les différentes étapes (avant, durant et après)
·         Identifier les ressources nécessaires pour l'application des différentes mesures et en assurer l'affectation en temps du ainsi que le suivi de leur performance et assiduité
·         Assurer la communication entre les membres ainsi qu'entre les membres et les autres acteurs concernés (avant, durant et après)
·         Collecter les informations sur les besoins (avant, durant et après) et assurer le suivi de leur mise à jour, l'analyse et leur dissémination à qui de droit.

G-   Caractéristiques du plan de coordination en situation d'urgence

Durant la préparation du plan de coordination, il est important de prendre en considération les caractéristiques suivantes. Ainsi, un plan de coordination:  

  • Est clair, concis et facilement accessible/compris
  • Est basé sur une analyse profonde des risques dans un contexte spécifique
  • S'inscrit dans un cadre national qui établit les mesures de préparation, ainsi que les rôles, responsabilités et capacités des différents acteurs
  • Inclut les différents scénarios et établit les priorités pertinentes à la région en question
  • Inclut des indicateurs d'alerte qui peuvent être utilises afin de surveiller l'état d'avancement des risques ainsi que leur impact
  • Reflète une compréhension des vulnérabilités ainsi que les mesures visant à les diminuer en amont.
  • Inclut des objectifs et des résultats réalistes et mesurables, ainsi que des protocoles et procédures d'activation et d'exécution
  • Inclut une analyse des ressources disponibles menant à l'identification des ressources qui manquent ainsi qu'un plan d'action pour les assurer en externe.
  • Génère un ensemble de taches que chaque acteur est tenu à adopter au sein de son institution/département
  • Adopte une approche centrée sur les ressources locales
  • Inclut un processus d'échange et de gestion d'informations
  • Prévoit des étapes concrètes afin d'assurer la « continuité des activités » des institutions vitales
  • Inclut un plan de formation et de développement des capacités
  • Prend en considération les éléments de genre, de la culture locale et autres spécificités du contexte 
  • Adopte les standards internationaux applicables dans ce genre de situation (SPHERE ou autres)
  • Consiste en des phases complémentaires
  • Inclut une phase ainsi qu'un mécanisme  de test et un plan de monitoring et d'évaluation, assorti d'un cadre de « responsabilisation » (accountability).


H-    Note finale

L'efficacité des interventions en situations d'urgence est optimisée quand la synergie entre les acteurs au niveau central et ceux au niveau régional/local est bien préparée à l'avance. Il est important de noter dans ce cadre que tout plan de coordination doit rester « dynamique » et non « statique », impliquant donc un processus de remise à jour continue ainsi qu'une flexibilité permettant une adaptation rapide au contexte de l'urgence.
S'il est vrai qu'il n'y a pas de modèle « magique » ou  « idéal », toujours est-il que les aspects les plus courants ou un apport des autorités centrales est pertinent sont en général l'adoption d'une stratégie nationale,  le support technique, les ressources (allocation d'un budget), l'établissement du cadre légal et institutionnel pour ces structures de coordination…etc.
Ainsi, les autorités régionales/locales doivent être soutenues afin de développer des stratégies, politiques, plans et procédures afin de prendre en charge les situations d'urgence.
A cette fin, une analyse profonde des capacités des acteurs aux niveaux local et régional doit être faite au préalable afin de dégager un plan de renforcement des capacités dont l'exécution est condition sine qua none de la réussite de toute intervention en cas d'urgence. Ce plan ne doit pas se limiter à des formations techniques seulement. Il serait utile d'y inclure des stages, des voyages d'études, du coaching, des manœuvres, des simulations, production d'outils et de ressources…etc.
D'autre part, il ne faut pas négliger la composante « communautaire » de ce processus. Le degré d'implication de la communauté dans l'élaboration de ce plan ainsi que les taches qui peuvent être allouées aux ressources existantes facilitent l'appropriation de la communauté, un facteur déterminant pour l'engagement de la population locale et sa contribution au plan.  





[1] Si la nature de la catastrophe le permet


Wednesday, June 30, 2010

Ketermeya, le cas Courban et bien d'autres

Published in L'Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)




Du fait d’un relâchement régional, le Libanais a le privilège de témoigner ces derniers mois d’une série d’arrangements politiques (pour la plupart absurdes) qui ont contribué à établir une sorte de stabilité relative. Il y a une série de questions cependant sur les avantages et les inconvénients de ces arrangements ainsi que sur la durabilité de cette stabilité, à l’ombre des influences grandissantes (comprendre interventions) régionales dans la vie politique libanaise.

Entretemps, force est de constater que tous ces arrangements ont été conclus aux dépens des principes de responsabilité et de justice. Ainsi, il y a des dizaines de personnes qui ont péri, d’autres blessées ou handicapées à cause des incidents sécuritaires qui ont eu lieu entre 2005 et 2008. Si l’accord politique en tant que tel est louable (la paix est toujours meilleure que le conflit), toujours est-il que les ententes politiques qui se font au détriment des droits de l’homme ne sont que des solutions temporaires, un calme précédant une tempête qui provoquera plus de dégâts et de victimes.

Il y a au Liban un certain nombre de politiciens, de militaires, de miliciens, des juges, des journalistes…etc. qui assument, chacun à sa manière, une part de responsabilité dans les événements qui ont eu lieu depuis 2005 et le fait de l’occulter ne fera qu’alimenter les frustrations à plus d’un niveau.

A part cette entorse aux principes élémentaires de démocratie et de justice, une toute autre tendance est observée depuis peu, celle de « traiter » dans l’obscurité, loin des feux de la rampe, certaines violations de droits de l’Homme.

Comparée à ce qui se passait durant les années de répression (1990-2005), cette approche sonne le glas de l’opportunité d’avoir des ministres issus des rangs des groupes qui furent réprimés entre 1990 et 2005, ou des ministres issus des rangs de la société civile. Si ce type de ministres n’est pas en mesure non pas d’améliorer mais au moins de freiner les quelques pratiques dégradantes et floues, c’est que l’avenir du Liban semble assez sombre.

Le cas récemment révélé du harcèlement dont fut l’objet le Professeur Antoine Courban mérite d’être considéré avec une attention particulière. Loin de critiquer ou de défendre le sujet à polémique (traitement anticancéreux non conventionnel), il est essentiel qu’un membre du corps professoral universitaire puisse s’exprimer en toute liberté devant ses étudiants sur des sujets sans se retrouver dans le collimateur de tentatives d’intimidation.

A un tout autre niveau, les pratiques notoires de torture durant la phase d’interrogatoire restent toujours sans suivi consistant, ou dans le meilleur des cas, sans information publique transparente. Depuis 2005, aucune information n’a été communiquée, ni aux associations des droits de l’Homme ni à l’opinion publique, ni à la commission parlementaire des droits de l’homme,  sur les mesures prises pour contrer ces pratiques ou sur les sanctions prises à l’encontre des officiers impliqués dans les cas de torture. Il n’y a aucun indicateur qui montre que les pratiques de torture ont diminué. Si le ministre de la défense vient d’un background politique, tel n’est pas le cas des ministres Baroud et Najjar qui sont appelés à informer l’opinion publique des mesures et des sanctions prises.

Passons au cas Saghyeh : Un avocat et défenseur des droits de l’homme se voit confisquer son passeport à l’aéroport de Beyrouth. D’après les articles de presse, le ministre Baroud serait intervenu personnellement pour lui restituer son passeport. Nécessaire mais pas suffisant. Il est tout aussi important que le ministère de l’intérieur informe, en toute transparence, sur les circonstances de cet incident ainsi que les sanctions prises à l’encontre des personnes impliquées.

Les mêmes principes s’appliquent au cas Ketermeya ou une foule hystérique a lynché un suspect à cause « d’une erreur d’appréciation » d’un groupe d’officiers. A part les « folkloriques » quatre ou six jours que certains de ces officiers ont passé en résidence surveillée, l’opinion publique n’est pas informée des circonstances et des mesures prises dans le cadre de cet incident barbare.

Il est juste de reconnaitre qu’il y a une multitude de facteurs qui ralentissent le travail des ministres bien intentionnés mais il est important aussi que les règles de transparence priment même dans les cas ou ces mêmes ministres ne sont pas en mesure d’agir d’une manière professionnelle.

Tout comme les progrès au niveau des droits de l’Homme sont en général le fruit d’un processus cumulatif, ce même principe s’applique aux régressions et il faut bien s’assurer que ce qui se passe actuellement ne  s’inscrit pas dans le cadre d’une détérioration au niveau des droits de l’Homme.







Thursday, May 20, 2010

RATIONALE AND CHALLENGES OF HUMAN RIGHTS EDUCATION (HRE) IN UNIVERSITIES

THE ROLE OF ARAB UNIVERSITIES IN THE EDUCATION, PROMOTION AND PRACTICE OF HUMAN RIGHTS



Notre Dame University, Louaize – Lebanon (20 to 22 May 2010)
RATIONALE AND CHALLENGES OF HUMAN RIGHTS EDUCATION (HRE) IN UNIVERSITIES

Dr. Elie Abouaoun


Lecturer (Human rights & Citizenship) at Saint Joseph University, Beirut Lebanon


Member of the board – “Association Libanaise pour l'Education et la Formation” (ALEF- Act for Human rights)


A- Overview of HRE
In 1993, the UN World conference on Human Rights held in Vienna declared that HRE is “essential for the promotion and achievement of stable and harmonious relations among communities and for fostering mutual understanding, tolerance and peace”. In December 1994, the UN General Assembly proclaimed the UN Decade for HRE (1995-2005).

In theory it is the responsibility of governments to inform their citizens about the Human rights instruments. However, this minimum obligation is not generally taken seriously by governments; for various reasons ranging from financial, technical but also political and security considerations.
But can HRE be boiled down to the sole “dissemination of information to the citizens”?
HRE is a long term endeavour aimed at establishing a culture where human rights are understood, defended and respected. Accordingly, this implies expanding HRE at all levels, including the formal education. In general there is much less attention to the university level compared to the focus put on the secondary school level; because a lot of HRE initiatives assumed that the pay back from the focus on schools and popular education is much greater if compared to the one from formal HRE in the universities.
In this context, the universities took more the direction of establishing training and/or research centres and it was only at a later stage that human rights curricula started to be developed in the formal education set-ups. To the best of my knowledge, no specific studies are available on HRE initiatives in the Arab world but it is evident that the presence of human rights courses has increased over the last 10 years. It is worth to note however that most, if not all HRE initiatives in the Arab region, were started and are still lead by NGOs and to a lesser extent by Academia. The involvement of the NGOs is crucial to the success and sustainability of HRE programmes (this will be explored further in the course of the article). Nevertheless, this involvement needs to be in the framework of a collaborative and balanced approach between both the Academia and the NGOs.
B- Rationale & linkages to active citizenship
The contemporary societies in which we are living, and in particular the youngsters, are increasingly confronted by violence, social exclusion, religious/ethnic issues and by the challenges resulting from the globalisation. HRE addresses these important issues and contributes to shape the different perceptions, beliefs, attitudes and values of a modern multi-cultural society. In brief, it helps (or at least strive to help) individuals to find ways of using such differences in positive ways.
Young people are often criticised for being apathetic and uninterested in politics. They remain nevertheless an important actor in today’s society, mainly in the labour market and civil society. Based on an ongoing interaction with youngsters in Lebanon and the region, it is not difficult to state that their main concern, right after their worries over employment opportunities, is to see their rights better protected. This could be the reason why youngsters put energy and commitment to causes related to human rights if they are involved in what they do/learn, and how they do/learn it. So the key to involve them is participation.
If HRE is the long term endeavour aiming at establishing a culture where human rights are understood, defended and respected, these notions are better conveyed if they are dealt with at many levels. In this context, the formal, non-formal and informal HRE systems are complementary and mutually reinforcing elements of a lifelong learning process. They are therefore of equal importance and interdependent. At the core of HRE is the development of critical thinking and the ability to handle conflict and take action as well as the encouragement of solidarity-based activities; and the average age of university students is ideal to develop these attributes. Young people can make a direct difference to the world around them. Therefore, HRE should become part of the educational strategies and policies (when they exist of course)
C- Challenges in the Arab World
In fact, the opportunities and challenges related to HRE (as for all other things) are quite different from country to country but some of them could be common to many of the Arab countries. The existence and development of HRE depend pretty much on the political, security, social…contexts in a given country. Non-restrictive political contexts do create specific opportunities to establish and develop HRE programmes, including at the university level.
According to the pioneer of HRE in Lebanon (Dr. Wael Kheir), establishing a stand-alone HRE programme without linking it to a NGO is like having a school of medicine without linking it to a hospital. Thus, the difficulty to bridge the gap between the NGO and the Academia in the Arab world delayed the development of such programmes in the region. This difficulty is not only related to the absence of cooperation platforms between the academia and the NGOs, but rather to the few number of rights based groups in some countries, (sometimes, they don’t even exist) and the limited scope of their work in many cases.
When some activists tried to establish HRE programmes in Lebanon, they had to overcome a firm perception that such programmes should be confined exclusively to law schools and lawyers. Fifteen years later, it is much easier to find inter-disciplinary HRE programmes located in a number of faculties. Yet, HRE remains undervalued by most of the universities, the professors and the students in most of the Arab countries.
HRE is not about studying merely the legal framework of human rights, but considering the implications of this ethical framework to any professional practice. Therefore, it is needless to say that there is still a huge need to support the expansion and sustained institutionalization of HRE within the Arab universities. This includes amongst other things:


o Finding the right balance between the theoretical and practical parts of HRE programmes including field components


o Linking HRE to the professional practices of the students


o Finding training opportunities for faculties’ staff


o Developing research programmes


o Production of resources adapted to the context of the region
It is sad to realize that HRE is generally underfunded compared to other human rights conventional interventions and this hinders the process of expansion and institutionalization.
D- Students & Professors
Students are the link between HRE at the university level and the human rights movement. The integration of human rights themes into university courses will help these same students to mainstream human rights values into their professional careers


On another hand, the stakeholders of the labour market need to recognize HRE as a valuable component of university education and further more as a factor in career development. This will have a positive impact on the perception of HRE at the students and popular levels.


The other link between HRE at the university level and the human rights movement are the professors. If there are increasing numbers of HRE courses and programmes, then it is fair to assume that there are higher numbers of professors involved in this sector. This brings back the necessity to establish linkages between the academia and the NGOs to overcome the challenge of the scarcity of resources for university professors; resources that they can draw upon in designing the elements of HRE programmes, including syllabi, textbooks, networks, trainings and scholarly publications. One indispensable element at the level of the Arab region is the absence of university-to-university cooperation. This type of bridges will contribute to the support and personal nurture required for the faculties’ staff so that they can come up with creative ideas.


E- Impact and sustainability
At this stage, there is little or no information about the impact and sustainability of HRE programmes, namely the impact of these programmes on the students’ knowledge and attitudes. The assumption is that effective human rights education needs to be, above all, learner-centred: it has to begin from the needs, preferences, abilities and desires of each person, within each society because no one educational approach will suit all individuals, groups, or societies.
A learner-centred educational approach recognises the value of personal action and personal change and also takes into account the social context of the learners. However, this does not mean that educators have to work in isolation, or that they cannot learn from others who may be working in different contexts. The growth of HRE programmes at the university level coincides with the institutionalization of HRE at the international level. Unfortunately, nothing similar is happening at the regional level. The most pressing questions in our context are:


o What kind of HRE courses, degree programmes ... are currently available and to whom?


o What kind of teaching methods are being used?


o What about the changes that these programmes are inducing on the direct beneficiaries (students) and the indirect ones (the students’ families, friends, close community...)
Until very recently, all civil society initiatives, including human rights groups in the Arab Region were based on volunteerism. The problem is not volunteerism, but the prevailing perception that volunteerism leads definitely to poor performance, lack of accountability, unprofessional attitudes...etc. HRE needs to shift to a more professional level and for this, the HRE practitioners need to reflect, individually and collectively on a set of crucial questions with the aim of supporting the expansion and institutionalization of HRE.














Saturday, April 10, 2010

La plaie béante des disparus libanais

Published in L'Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)


Alors que le Liban et les libanais essayent de surmonter une période noire de leur histoire marquée notamment par des conflits successifs et à visages multiples, le nouveau contexte politico - sécuritaire a mélangé les cartes quant aux principaux défis au niveau des droits de l’Homme. L’un des ces principaux défis, sinon le défi principal, est sans doute le sort des milliers de disparus durant la guerre. Dans ce cadre, la résolution du dossier des disparus libanais en Syrie et de celui, plus global, des libanais disparus pendant la guerre civile, constitue un élément important de l'entreprise de reconstruction d’un Liban pacifié et stable.

Le nombre de libanais détenus (pour des motifs politiques) dans les prisons syriennes, toujours indéterminé, continue à provoquer une vague de demande pour leur libération de la part de certaines personnalités politiques et d’associations de défense des droits de l’homme. Les approches adoptées par les deux gouvernements libanais et syrien méritent d’être remises en question, surtout d’une perspective légale.  

Parmi les prisonniers politiques libanais et palestiniens incarcérés en Syrie figurent de nombreuses personnes arrêtées ou enlevées par les forces armées syriennes opérant au Liban durant la période 1976-2005), puis transférées en Syrie en dehors de tout cadre légal. D'autres ont été appréhendées ou enlevées par des milices libanaises ou palestiniennes au cours de la guerre au Liban, puis livrées aux autorités syriennes. D'autres encore ont été arrêtées sans mandat des autorités judiciaires sur le territoire syrien, et incarcérées au mépris des règles de droit. Toutes ces personnes sont maintenues arbitrairement en détention depuis des années ou ont été jugées sommairement dans le plus grand secret par des tribunaux militaires, devant lesquels elles ont souvent dû répondre de chefs d'accusation extrêmement vagues. La plupart ont été maintenues en détention au secret, c'est-à-dire privées de tout contact avec le monde extérieur ; seuls quelques prisonniers ont été autorisés à recevoir occasionnellement la visite de membres de leur famille.

Sujet tabou pendant de longues années, la question des disparus libanais en Syrie a fini par s’imposer grâce à la mobilisation et au combat des familles des disparus et grâce au soutien et à l’aide des militants des droits de l’Homme aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Si le gouvernement libanais a fini par l’admettre du bout des lèvres, tous les moyens sont toujours utilisés par le pouvoir en Syrie pour y jeter des doutes, le réduire à une question libano-libanaise.

Durant la dernière décennie, il y a eu plusieurs comités établis par les gouvernements libanais successifs pour traiter de la problématique. Cependant , tant la composition des comités (en majorité des représentants des organes de sécurité) que leurs prérogatives ne leur ont pas permis de mener convenablement leur mission.

En effet, au lieu de recueillir les plaintes des parents pour mener une enquête conformément aux normes reconnues internationalement, les comités ont demandé aux parents de présenter des preuves irréfutables selon lesquelles leurs proches seraient bel et bien présents dans les geôles syriennes. 

Si l’approche libanaise est aux antipodes de toutes les normes internationales, cette description est tout aussi applicable à l’approche syrienne de déni généralisé. Il n’y a pas de doute que le gouvernement libanais est dans l’obligation légale de mener des enquêtes afin de révéler le sort des milliers de disparus durant les conflits successifs. Mais l’absence d’une telle initiative au Liban ne dispense pas la Syrie de sa responsabilité vis-à-vis du dossier.

Selon  la convention internationale pour la protection des personnes contre les disparitions forcées,  «  l’Etat est obligé de mener une enquête sur le territoire concerné au cas où un cas de disparition forcée est signalée ». La  convention définit la « disparition forcée » par « l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».  Selon le droit international, la disparition forcée est un crime imprescriptible.  

Donc d’un point de vue légal, vu l’autorité effective ainsi que la liberté d’action dont jouissait les forces armées syriennes au Liban pendant deux décennies, tenant compte des faits indéniables concernant l’arrestation et la détention par les forces armées syriennes de citoyens libanais, le gouvernement syrien n’a pas d’excuses pour se dérober à ses responsabilités minimales, à savoir mener des enquêtes et apporter des réponses claires aux centaines de familles, convaincues que leurs proches furent, ne fut-ce que pour quelques jours, détenus en Syrie.

Il y a sans doute des intrications entre les deux dossiers (bien que techniquement distincts) des disparus libanais en Syrie et des disparus au Liban. Mais le fait de conditionner le traitement de l’un des deux dossiers à l’autre, ou de lier leurs traitements à celui d’un troisième (le sort des militaires syriens disparus au Liban) n’a pas de base juridique. Cette approche politicienne n’aura pour résultat en fin de compte que la prolongation du contentieux et des souffrances endurées par les familles des personnes disparues. La droit international décrit des responsabilités spécifiques pour chacun des deux gouvernements et c’est sur cette base qu’ils sont tous les deux appelés à établir, d’abord, une feuille de route chacun chez soi, et ensuite passer au stade d’échanges d’informations en vue de l’établissement de la vérité et de la solution finale.

D’un point de vue plus pratique, l’un des principaux obstacles pour sortir de la situation conflictuelle (comme le souhaiterait la Syrie) qui caractérise les relations libano-syriennes doit se traduire par une solution à cartes ouvertes de ce problème. Tout comme une pacification du Liban exige que le sort des 17000 disparus soit révélé dans le cadre d’une initiative nationale de vérité et de réconciliation. D’ailleurs comme son nom l’indique, aucune réconciliation ne peut se produire et survivre aux épreuves de temps si elle n’est pas fondée sur la vérité. Cela est tout aussi vrai pour la réconciliation syro-libanaise et libano-libanaise.

La mise en place des dispositifs et des mécanismes pour avancer dans le sens de la vérité et de la justice est une condition incontournable pour apporter un véritable apaisement et donner ses chances au processus de normalisation avec la Syrie,  de retour à la paix, de reconstruction et de la cohésion sociale libanaise.

Opter pour des simulacres de réconciliation, exigeant l’oubli en lieu et place de la parole et de la vérité, « décréter » un pardon comme substitut au nécessaire travail de la mémoire et de l’histoire pour que vérité soit dite et justice soit faite, gommer tout un pan de l’histoire récente, faisant fi de tous les traumatismes, déchirements et souffrances de milliers d’êtres, afficher un mépris pour les victimes et sympathie pour les bourreaux de tous les bords, même au nom de la paix, de l’unité nationale, de la solidarité arabe, des impératifs stratégiques ou de la politique de bon voisinage ; tout cela n’est que temps perdu. Il n’y a pas mille chemins pour mener à la vérité, du moins en ce qui concerne la plaie béante des disparus libanais en Syrie et au Liban.