Monday, February 17, 2014

Comments on Syria (french)



Déchirures meurtrières en Syrie

Dans la foulée des révoltes arabes en 2011, les
jeunes Syriens ont pu initier un mouvement
de protestation en vue d’instaurer un régime
démocratique en remplacement d’une dictature
qui n’a que trop duré. Ce mouvement pacifique
s’est transformé en une guerre civile, une des
guerres des plus meurtrières de l’histoire moderne.
Aujourd’hui, tout le monde, ou presque, peine à
qualifier ce conflit hybride : est-ce un conflit syrosyrien
ou simplement un conflit régional dont les
acteurs sont locaux ?
La définition du conflit importe peu au regard des
milliers de victimes et des centaines de milliers de
déplacés et réfugiés. Bien plus, les parties en conflit
semblent avoir perdu de vue toute perspective de
solution. A les voir, on a l’impression qu’ils se battent
pour se battre, sans horizon quelconque. Cette
situation fait aussi le jeux des grandes nations : les
Russes et affiliés considèrent chaque jour qui passe
avec Bachar El-Assad à la tête du régime comme
un gain alors que l’Occident, lui, considère que les
Iraniens et le Hezbollah investissent beaucoup en
Syrie. A tel point qu’ils finiront bien par se rendre à
la table de négociation, époustouflés.
Les Israéliens, eux, jubilent du fait que le Hezbolllah
a envoyé des milliers de combattants en Syrie, ce
qui affaiblit sa capacité militaire initialement bâtie
pour les combattre. Si leurs tentatives d’impliquer
le parti de Dieu dans une guerre civile au Liban n’ont
pas abouti, le résultat de son implication en Syrie
n’est pas moins importante pour eux. Les Russes
et les Américains ne sont pas vexés de voir tant de
djihadistes converger en Syrie pour « accomplir leur
devoir ». Finalement, ils se retrouvent tous dans un
même bocal et deviennent plus faciles à surveiller
et, éventuellement, à cerner.

Jurisprudence

A l’ombre de l’incapacité et/ou la non-volonté de la
Communauté Internationale de mettre fin à ce conflit,
les réalités du terrain montrent aussi qu’une victoire
militaire totale, tant pour le régime que pour ses
opposants, relève de l’impossible. Au final, tout le monde
devra aller à une solution négociée.
Mais la question qui se pose actuellement est la suivante :
quelle est la solution qui réussira à pacifier une Syrie
déchirée en mille morceaux ?
D’une part, la montée de l’Islam politique, en Syrie
et dans la région en général, ravive la fracture entre
laïcs et islamistes. D’autre part, le conflit, à caractère
sectaire, dans une Syrie pluraliste est un défi en soi :
quel est l’avenir des relations communautaires entre
Alaouites, Sunnites, Chrétiens, Kurdes et Druzes ? Est-ce
que les lignes de démarcations ethno-confessionnelles,
dessinées par un conflit aussi fort, disparaîtront par un
simple accord politique parrainé par la Communauté
Internationale ? L’exemple d’une « paix virtuelle » dans
un Liban meurtri, à l’issue de quinze ans de guerre civile
servira-t-il à dissiper cette illusion simpliste qu’un cessezle-
feu puisse instaurer une paix durable ? Quid des
centaines de milliers de déplacés et des fractures (pro et
anti-régime) au sein d’une même communauté résultant
d’une violence sans précédent ?
Apres trente mois de conflit, la Syrie a besoin d’une
solution à plusieurs niveaux et volets. Si un accord
politique pour mettre fin aux confrontations militaires
est inéluctable, il reste que l’instauration d’une paix
durable ne saura réussir sans une transition politique
basée sur le principe de « vérité et de réconciliation ». Et,
surtout, sans un processus politique qui devra s’étendre
au niveau social. A défaut, ce ne sera qu’une simple
cessation des hostilités, prélude à une confrontation
plus grave dans quelque temps. A bon entendeur…

par Elie Abouaoun, NDH-Liban
Responsable de Programmes à l’Institut de Paix des États Unis