Thursday, November 1, 2007

Vacance au pouvoir ou pouvoir en vacances ?

Published in L'Orient le Jour (French language daily newspaper in Lebanon)


Le scoop de ces derniers jours est certainement le vide survenu au niveau de la Présidence de la République suite à la fin du mandat de M. Emile Lahoud.

Tout le monde parle du “vide”, analyse la “vacance au pouvoir” disserte sur les raisons et les conséquences du “vide”…etc. Comment définit-on le vide ? Est ce que le vide est-il seulement au niveau présidentiel ? Les autres sphères du pouvoir sont elles mieux garnies que la Présidence ? A qui imputer la responsabilité de la situation actuelle ?

Force est de constater que, depuis le déclenchement de la dynamique internationalo-régionalo-locale en faveur du retrait des forces armées syriennes, toutes les parties ont plus ou moins contribué à la « construction » d’un vide, que tout le monde s’emploie maintenant à maudire.

Par définition, le vide « n’est pas un état où il n’y a rien, mais un état dont on ne peut rien tirer ».

Au niveau gouvernemental, le vide s’est caractérisé depuis 2005 par l’inaction volontaire du gouvernement dans des domaines cruciaux, tels que la construction d’un pouvoir judiciaire impartial et indépendant, le changement de la politique actuelle vis-à-vis des violations des droits de l’Homme, la réforme administrative, la restructuration des services de sécurité et la cessation de leur impunité…etc. Aucune des raisons évoquées par le gouvernement et les parties qui le soutiennent (blocage de l’opposition, crises existentielles, priorité du tribunal…etc.) ne justifient cette série de pêchés politiques dans les domaines précités. C’était les prémices du vide !

Quant au parlement, l’image n’est pas plus brillante. L’opposition assume dans ce cas une responsabilité majeure ; celle d’avoir poussé et accepté que cette institution mère soit paralysée pour des considérations politiciennes. Même avant la mise en quarantaine de la Chambre, l’opposition n’a jamais défié les ministres ou le gouvernement dans le cadre d’une action parlementaire sérieuse et visant des résultats concrets.

Au niveau présidentiel, M. Lahoud fut le pionnier de la construction du vide, déjà en acceptant une prorogation anticonstitutionnelle de son mandat. Il s’est auto-marginalisé et a créé une situation ou le pouvoir exécutif fonctionnait pratiquement depuis l’été 2005 sans la Présidence de la République.

De ce qui suit, il est clair que le vide n’est pas limité à la seule magistrature suprême et n’a pas commencé le 24 novembre 2007. Le vide s’est installé et développé au fur et à mesure depuis le 15 mars 2005 quand les leaders politiques traditionnels ont confisqué à l’avance les fruits du changement qui commençait à avoir lieu au profit de leurs agendas et/ou ambitions privées.

Mais le plus triste c’est que déjà en 2005, les libanais ont raté l’occasion de sanctionner cette classe politique éthiquement corrompue. Ce vide létal ne se remplira pas par l’élection d’une personne, quelle qu’elle soit. Ce n’est que si en 2009, la raison des électeurs libanais l’emportera sur leurs émotions instinctives, que nous commencerons à renverser la barre et à commencer un processus visant à produire une nouvelle classe politique, jeune, engagée, transparente et compétente.

«Très souvent, au cours de notre existence, nous voyons nos rêves déçus et nos désirs frustrés, mais il faut continuer à rêver, sinon notre âme meurt » dixit Paulo Coelho (Le pèlerin de Compostelle).