Les défis imminents du « Nouvel Ordre Arabe » (Fevrier 2012)
Par le Dr. Elie
Abouaoun
Directeur
Exécutif du Fonds Arabe pour les droits Humains
Membre du Comité
Directeur de NDH
La région Arabe vit depuis plus d’un an au rythme d’un
changement à la fois inespéré et radical, dont les conséquences se feront certes
ressentir au niveau international. Les perspectives d’avenir ne sont toujours
pas très claires surtout que les peuples de la région font face à des défis
majeurs et imminents. A défaut d’un
succès de ce nouvel « Ordre Arabe », , c’est un nouveau bouleversement
qui s’annonce dans une région qui ne cesse de vivre au rythme des coups,
révolutions et consorts depuis la fin du colonialisme.
Le premier défi est la prolifération du chaos dans la
plupart des pays ou le régime a changé (à l’exception notoire de la Tunisie).
L’Egypte, la Libye, la Syrie et le Yémen vivent toujours une situation
d’insécurité (variable d’un pays à l’autre sûrement) qui laisse perplexes les
mêmes personnes qui ont cru pendant des décennies que leur malheur n’est dû
qu’au régime dictatorial. En parlant d’insécurité, ce n’est nullement de
l’aspect « criminel » qu’il s’agit mais surtout des violences
confessionnelle, tribale, inter-milicienne…etc. qui ont déjà fait et qui font
toujours (même dans des pays ou le régime a changé) des milliers de victimes.
Le processus de normalisation après une révolution est certainement long et
pénible mais est-il nécessaire de s’attacher à ce prétexte tout en
ignorant l’exemple de la plupart des républiques ex-soviétiques ou de l’Europe
de l’Est qui ont su faire leurs révolutions sans tomber dans des excès de
violences ?
Les Islamistes, qui sont les plus en vue pour tenir les
rênes du pouvoir dans un grand nombre de pays arabes maitrisent l’art du double
langage. Leur rhétorique politique est presque impeccable puisqu’ils affirment
publiquement leur engagement à respecter l’alternance démocratique au pouvoir,
à assurer l’égalité de tous devant la
loi, à respecter les libertés individuelles et publiques…etc. La vie
quotidienne dans plus d’un pays (Tunisie, Egypte, Libye...) reflète une toute
autre attitude cependant. Les restrictions sur les libertés font rage et les
exemples augmentent de jour en jour : Saura –t-on concilier enfin l’Islam
politique et le respect des droits fondamentaux de la personne Humaine dans des
sociétés ou la laïcité telle que pratiquée en Occident n’est en aucun cas
applicable ?
Au-delà des défis à caractère
sécuritaire ou politique, le souci primaire des gens est surtout économique et
social. Il faut admettre que les attentes de certains dans ce domaine sont
chimériques. Une renaissance économique à court terme n’est pas envisageable,
surtout que c’est à l’ombre d’une crise financière mondiale que les révolutions
arabes battent leurs tambours. Les nouveaux gouvernements peinent déjà à
instaurer un minimum de stabilité sécuritaire et politique. Il leur est
certainement plus compliqué d’entamer, en l’espace de quelques mois, une
refonte totale des systèmes économiques et financiers en place depuis des
décennies. C’est un travail de longue haleine qui est nécessaire pour remettre
les systèmes économiques d’une grande partie des pays arabes sur les rails et
atteindre un minimum de sécurité socio-économique. L’exemple de l’Irak,
beaucoup plus nanti en ressources naturelles que l’Egypte ou la Tunisie par
exemple, est là pour nous rappeler l’ampleur de la réforme économique et sociales ainsi que les difficultés qui y sont
attenantes. Dans cette tâche immense,
l’implication de tous les acteurs économiques et sociaux ne saurait faire
défaut. Tout le monde est-il prêt à
accepter les sacrifices nécessaires à cette entreprise, à l’exemple des
européens et des japonais au lendemain de la « Grande Victoire » de
1945 ? Les peuples dormiront-ils
sur leurs lauriers juste pour avoir su se débarrasser de leur passé sans se
sourcier de la construction de leur avenir ? C’est sans aucun doute le
plus grand danger qui nous guette.
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